Azzedine à Notre-Dame
Article en Arabe par Inaam Kajaji , Paris – France
Traduction par Mgr Noël Farman, Calgary- Canada
La cathédrale Notre-Dame de Paris s’est relevée de l’incendie et a retrouvé sa splendeur d’antan. Des personnalités de la haute société ont assisté à la cérémonie de sa réouverture. Plus de 2000 ouvriers avaient contribué à sa rénovation, parmi eux, le Marocain Azzedine Hedna. Artisan de qualité, il a fait preuve d’une présence bien évidente, tout au long des cinq années de travaux. Durant ces années, travaillant du haut d’une grue géante, il a exécuté l’une des tâches les plus difficiles. Ses collègues affirment que chaque matin il était le premier à se rendre sur le site du chantier.
Or à l’approche de ses Soixante-quatre ans, l’âge de la retraite, il avait promis qu’il ne prendrait sa retraite qu’une fois les travaux de la reconstruction soient achevés. Cependant à deux semaines de la réouverture, Azzedine est brutalement décédé. Sa mort a été provoquée par un grave accident de santé.
Alors, le chantier tout entier a soudainement été endeuillé. Car cet ouvrier de religion musulmane qui a si admirablement œuvré à la reconstruction, ne sera pas présent à la cérémonie de la réouverture de cette cathédrale qui porte le nom de la ‘’Dame Maryam’’ selon l’appellation musulmane. Le corps d’Azzedine a été transporté au Maroc pour être inhumé sur sa terre natale. Ainsi il ne tiendra pas dans ses mains la médaille d’excellence qui lui était décernée : c’est son fils, Nagib, qui va la recevoir, ou peut-être son frère, Hakim qui a travaillé avec lui dans le même chantier.
Mais ce sont les éloges funèbres qui peuvent prendre par excellence la place de médaille qu’il aura à titre posthume. Le président français Macron a, en effet, rendu hommage à ceux qu’il a appelés les alchimistes qui ont transformé le charbon en art. Il a aussi honoré la mémoire d’Azzedine Hedna, le qualifiant de soldat loyal. De son coté, Philippe Jost, le responsable chargé de la restauration de la cathédrale, a écrit que le défunt avait un état d’esprit d’engagement, de solidarité et de fierté. Il s’était acquis l’amitié de tous et incarnait véritablement l’état d’esprit de cette magnifique aventure humaine.
Sur le champ une question se pose : Pourquoi ce chantier s’est-il arraché la qualité d’aventure humaine magnifique? C’est qu’un immense nombre remontant à trois cent quarante milles (340 000) personnes, de toutes religions et cultures, ont mis la main à la poche et ont offert des dons pour la réparation des dégâts de l’incendie accouru en printemps 2019. Parmi eux, des milliardaires propriétaires d’entreprises mais aussi des enfants qui se sont emparés de leur boites d’épargne pour offrir le peu de monnaies qu’ils avaient sauvegardés. Tout ceci a été atteint sous l’impact international bouleversant de la cathédrale en feu.
Certains ont comparé cet incendie à l’assassinat du président John F. Kennedy ou bien au moment où l’astronaute Armstrong a mis les pieds sur la lune. Ainsi la campagne de la levée de fonds s’est étendue à tous les continents, au nord comme au sud, et les bienfaiteurs ont accumulé une somme de (843 000 000) huit cent quarante-trois millions d’euros. La majorité d’entre eux était donnée, discrètement… en silence, selon le principe ‘’que to main gauche ne sache pas ce que fait ta droite’’ (Matthieu 6 : 3). En revanche, certains des plus fortunées ont pompeusement effectué leurs dons en se faisant jouer les trompettes.
Je suis en train d’écrire sur le grutier Azzedine Hedna tout en suivant la cérémonie de la réouverture de Notre-Dame. Et je me vois si touchée, comme toujours, par la transcendance sublime que je trouve entre les humains. C’est une vertu qui dépasse les qualités traditionnelles de tolérance, entre les gens de différentes dénominations. Dans ce sens j’avais suivi les admirables tâches des constructeurs musulmans Irakiens, conduits par l’ingénieur Radhwan Hammochi. Ils avaient excellé à réhabiliter l’église de Tahra (Marie Immaculée) à Mossoul. C’est l’une des plus anciennes églises d’Irak. Elle a été détruite par ISIS en 2017.
Toujours à Mossoul, je pense à la restauration du minaret bossu (penché) de la mosquée Al-Nuri. Ce magnifique minaret connu par sa pittoresque courbure, subissait auparavant une grave lacune dans sa structure qui avait besoin d’être comblée. C’est en effet l’architecte chrétien Aboudi al-Tanburji qui a réalisé le travail gratuitement. Il a dit que sa récompense serait auprès de Dieu. Et n’oublions pas Mohammed Ghani Hikmet, l’ainé des sculpteurs irakiens. C’est lui qui a sculpté les stations du chemin de croix dans une église chaldéenne à Baghdad, l’église de l’ascension. Voilà des histoires qui méritent d’être racontées à nos enfants et d’être inscrites dans nos programmes scolaires.