Patriarche Sako aux Chaldéens du monde: L’unité doit être notre seul but car “Toute maison divisée contre elle-même sera incapable de tenir” (Matthieu 12, 25)
Cardinal Louis Raphael Sako
Nous subissons aujourd’hui au Moyen-Orient un terrible état de divisions politiques et communautaires qui n’apporte que du mal.
En Irak, ce phénomène atteint des proportions dramatiques. Des influences internationales et régionales ainsi que des partis corrompus travaillent à diviser les Irakiens en communautés sectaires et cela en soufflant sur les braises des idéologies extrémistes. Ils ont réussi à abolir le sentiment d’appartenance à une nation, l’Irak. Désormais, et cela nous attriste, chacun se réclame d’abord de sa communauté: chiite, sunnite, kurde, et maintenant chrétienne. Ce sectarisme de la société irakienne a engendré des crises répétées et le détournement de l’argent public qui ne sert plus le bien commun. Les gouvernements successifs, pris dans cette logique communautaire, sont incapables de protéger la souveraineté du pays, d’accroître ses richesses, et par-dessus tout de garantir les mêmes droits à tous les Irakiens sur la base d’une citoyenneté commune.
Les chrétiens, parce qu’ils sont minoritaires, en payent depuis deux décennies un prix élevé. D’une part nombre d’entre eux ont préféré émigrer face aux nombreuses discriminations qu’ils subissent. D’autre part, ils ont été eux-mêmes entraînés dans ces logiques sectaires et ses divisions. Certaines églises ont cédés aux sirènes de la corruption et ont vendu leur âme en échange de quelques privilèges. Elles sont désormais pieds et poings liés avec des partis bien connus et ne maîtrisent plus leur destin.
Revenons-en à la communauté chaldéenne. Lors de ma récente visite pastorale auprès des Chaldéens en France, en Belgique et aux Pays-Bas, j’ai constaté avec douleur l’existence de nombreuses divisions. Il y a ceux qui se disent Chaldéens ou Assyro-Chaldéens, ceux qui se disent Assyrien ou Syrien. Il y a ceux qui veulent établir un nouveau parti, ceux qui veulent créer une nouvelle coalition avec des revendications erronées et ceux qui envisagent de tenir une conférence chaldéenne, et ce n’est certainement pas pour le bien des Chaldéens comme ils le prétendent.
Ces divisions qui font obstacle à l’unité nous mènent à l’auto-destruction parce que “Tout royaume divisé contre lui-même devient un désert; toute ville ou maison divisée contre elle-même sera incapable de tenir”, comme le dit le Christ (Matthieu 12, 25). Franchement, cela devrait être une ligne rouge. Aujourd’hui plus qu’à toute autre époque, il est impératif pour les Chaldéens de se rassembler autour de leur identité et de leur Église et de communiquer entre eux et avec les autres de manière honnête et constructive.
L’unité se réalise à travers des discussions et des négociations sincères, et non à travers des divisions honteuses découlant d’intérêts égoïstes, de querelles d’égo et de slogans trompeurs.
Je soutiens vigoureusement l’unité des Églises et l’unité des Chaldéens, des Syriens et des Assyriens, mais avec une intention sincère, dans la reconnaissance et le respect de l’autre, par un dialogue courageux et non par la division. L’unité se réalise avec des personnes fortes et non pas des opportunistes.
Tous les Chaldéens du monde doivent comprendre que ces divisions soutenues par des entités corrompues ont pour but de nous séparer pour nous affaiblir et nous manipuler. J’en ai fait moi-même l’expérience: j’ai payé un prix élevé pour ma résistance à ces efforts de divisions.
Or l’expérience devrait nous faire comprendre que la division politique des Eglises n’apporte rien de bon. Regardez ce qui arrive au Liban aux frères maronites: les tentatives de Sa Béatitude le patriarche le cardinal Boutros Raï pour rassembler les partis politiques maronites afin de choisir un président de la république n’ont pas abouti.
A cause de la multiplicité des partis et des allégeances tribales et villageoises, les Assyriens, en particulier le Mouvement démocratique assyrien, ont été affaiblis. Ces divisions ont même affecté l’Église. Nous espérons que ces deux Églises assyriennes se réuniront le plus rapidement possible.
En conclusion, je voudrais réaffirmer avec force que, face au danger mortel de la division, il est important de travailler dur pour l’unité, car il n’y a pas de salut pour nous sans unité et sans solidarité, d’autant plus que notre nombre en Irak diminue et que notre présence est menacée.